Poème edict - 2 Poèmes sur edict


2 poèmes


Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller
de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais
où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme
l'air dans le ciel et la mer dans la mer ;

Léonard
de Vinci, miroir profond et sombre,
des anges charmants, avec un doux souris
Tout
chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des
glaciers et des pins qui ferment leur pays ;

Rembrandt
, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et
d'un grand crucifix décoré seulement,
la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et
d'un rayon d'hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange
, lieu vague où l'on voit des hercules
Se
mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des
fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent
leur suaire en étirant leurs doigts ;

Colères
de boxeur, impudences de faune,
Toi
qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand
cœur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,
Puget
, mélancolique empereur des forçats ;

Watteau
, ce carnaval où bien des cœurs illustres,
Comme
des papillons, errent en flamboyant,
Décors
frais et légers éclairés par des lustres
Qui
versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya
, cauchemar plein de choses inconnues,
De
fœtus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De
vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour
tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix
, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé
par un bois de sapins toujours vert,
sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent
, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces
malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces
extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont
un écho redit par mille labyrinthes ;
C
'est pour les cœurs mortels un divin opium !

C
'est un cri répété par mille sentinelles,
Un
ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C
'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un
appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car
c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que
nous puissions donner de notre dignité
Que
cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et
vient mourir au bord de votre éternité !
Les Phares
Poèmes de Charles Baudelaire

Citations de Charles Baudelaire
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On ne peut trop louer trois sortes de personnes :
Les dieux, sa maîtresse, et son roi.
Malherbe le disait ; j'y souscris, quant à moi :
Ce sont maximes toujours bonnes.
La louange chatouille et gagne les esprits.
Les faveurs d'une belle en sont souvent le prix.
Voyons comme les dieux l'ont quelquefois payée.

Simonide
, avait entrepris
L'éloge d'un athlète ; et la chose essayée,
Il trouva son sujet plein de récits tout nus.
Les parents de l'athlète étaient gens inconnus ;
Son père, un bon bourgeois ; lui, sans autre mérite ;
Matière infertile et petite.
Le poète d'abord parla de son héros.
Après en avoir dit ce qu'il en pouvait dire,
Il se jette à côté, se met sur le propos
De Castor et Pollux ; ne manque pas d'écrire
Que leur exemple était aux lutteurs glorieux ;
Élève leurs combats, spécifiant les lieux
Où ces frères s'étaient signalés davantage ;
Enfin l'éloge de ces dieux
Faisait les deux tiers de l'ouvrage.
L'athlète avait promis d'en payer un talent ;
Mais quand il le vit, le galand
N'en donna que le tiers ; et dit fort franchement
Que Castor et Pollux acquittassent le reste.
" Faites-vous contenter par ce couple céleste.
Je vous veux traiter cependant :
Venez souper chez moi ; nous ferons bonne vie :
Les conviés sont gens choisis,
Mes parents, mes meilleurs amis ;
Soyez donc de la compagnie. "
Simonide promit. Peut-être qu'il eut peur
De perdre, outre son dû, le gré de sa louange.
Il vient : l'on festine, l'on mange.
Chacun étant en belle humeur,
Un domestique accourt, l'avertit qu'à la porte
Deux hommes demandaient à le voir promptement.
Il sort de table ; et la cohorte
N'en perd pas un seul coup de dent.
Ces deux hommes étaient les gémeaux de l'éloge.
Tous deux lui rendent grâce ; et pour prix de ses vers,
Ils l'avertissent qu'il déloge,
Et que cette maison va tomber à l'envers.
La prédiction en fut vraie.
Un pilier manque ; et le plafonds,
Ne trouvant plus rien qui l'étaie,
Tombe sur le festin, brise plats et flacons,
N'en fait pas moins aux échansons.
Ce ne fut pas le pis ; car pour rendre complète
La vengeance due au poète,
Une poutre cassa les jambes à l'athlète,
Et renvoya les conviés
Pour la plupart estropiés.
La Renommée eut soin de publier l'affaire :
Chacun cria miracle. On doubla le salaire
Que méritaient les vers d'un homme aimé des dieux.
Il n'était fils de bonne mère
Qui, les payant à qui mieux mieux,
Pour ses ancêtres n'en fit faire.

Je
reviens à mon texte, et dis premièrement
Qu'on ne saurait manquer de louer largement
Les dieux et leurs pareils ; de plus, que Melpomène

Souvent
, sans déroger, trafique de sa peine ;
Enfin qu'on doit tenir notre art en quelque prix.
Les grands se font honneur dès lors qu'ils nous font grâce :
Jadis l'Olympe et le Parnasse
Étaient frères et bons amis.
Simonide préservé par les Dieux.
Poèmes de Jean de La Fontaine

Citations de Jean de La Fontaine
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