Poème de Isabelle Guiard


Gaïa de Isabelle Guiard

Voilà longtemps qu'on m'appelle "planète bleue", Gaïa, pour les intimes
Les poètes ont chanté mes joyaux merveilleux, Oui, mais à quoi ça rime
J'en aurai accueilli et porté des familles,
Nourri des affamés
La maison du bon dieu pour tous ces joyeux drilles,
Mais jamais remerciée

Malgré tout je tournais, je tournais, je tournais Autour de l'amour, ce soleil de mes nuits M'éclairait, épanchant sur tous ses bienfaits
Et tout ça tournait rond, c'était la vie


Depuis quelques temps, j'ai bien peur que les humains
Aient tous perdu la boule
Ils ne voient même pas qu'ils n'ont plus sens commun
Veulent-ils que tout s'écroule?
S'il faut qu'il soit trop tard pour que s'ouvrent leurs yeux
Faut-il être abruti
Pour scier la branche où l'on est assis ! Ah! Dieu! Je ne suis plus qu'un cri:

Vous me regretterez, c'est Gaïa qui le dit
Les fruits de mes entrailles étaient bénis
Etais-je donc stérile pour qu'ils me répudient Riche, prête à tout donner, un beau parti!
Mon sang leur était cher,
Le sang bleu qui coule dans mes rivières
C'est que moi, je suis noble!
Mes pauvres poumons verts,
Mutilés, incendiés, misère!
Combien d'hommes sont ignobles!

Aujourd'hui, désolée, j'ai fini de me taire
Lasse qu'on m'empoisonne
Désolée, aujourd'hui, je ne veux plus me taire Lasse qu'on déraisonne
Pourtant j'en ai piqué de ces sacrées colères
Et montré ma puissance
Tremblé, glissé, brûlé, englouti sous les mers Cette sinistre engeance

Ah! Ils m'en ont donné, des noms mystérieux
Ils se sont entretués pour mes beaux cieux
Mes formes enneigées, mes rondeurs, mes volcans,
La douceur de mon sable, mes océans
Mes atolls enchantés,
Ces délicats grains de beauté
La tiédeur de mes nuits
Ils ont pleuré de joie
De coucher de soleil avec moi
Et m'ont pourri la vie

Je leur donnais asile pour l'ultime repos ...

Ils me prenaient mes îles pour de honteux dépôts ...
Des essais pour mieux préserver la paix, disent-ils ...
J'étouffe de tous les mortels poisons qu'ils distillent ...

Et pourtant je tournais, je tournais, je tournais Autour de l'amour, ce soleil de mes nuits M'éclairait, épanchant sur tous ses bienfaits
Et tout ça tournait rond, c'était la vie