Poème egale - 13 Poèmes sur egale
13 poèmes
Plus sur ce poème | Commenter le poème | Imprimer le poèmeEh bien ! reprends-le donc ce peu de fange obscure
Qui pour quelques instants s'anima sous ta main ;
Dans ton dédain superbe, implacable Nature,
Brise à jamais le moule humain.
De ces tristes débris quand tu verrais, ravie,
D'autres créations éclore à grands essaims,
Ton Idée éclater en des formes de vie
Plus dociles à tes desseins,
Est-ce à dire que Lui, ton espoir, ta chimère,
Parce qu'il fut rêvé, puisse un jour exister ?
Tu crois avoir conçu, tu voudrais être mère ;
A l'œuvre ! il s'agit d'enfanter.
Change en réalité ton attente sublime.
Mais quoi ! pour les franchir, malgré tous tes élans,
La distance est trop grande et trop profond l'abîme
Entre ta pensée et tes flancs.
La mort est le seul fruit qu'en tes crises futures
Il te sera donné d'atteindre et de cueillir ;
Toujours nouveaux débris, toujours des créatures
Que tu devras ensevelir.
Car sur ta route en vain l'âge à l'âge succède ;
Les tombes, les berceaux ont beau s'accumuler,
L'Idéal qui te fuit, l'Ideal qui t'obsède,
A l'infini pour reculer.
L'objet de ta poursuite éternelle et sans trêve
Demeure un but trompeur à ton vol impuissant
Et, sous le nimbe ardent du désir et du rêve,
N'est qu'un fantôme éblouissant.
Il resplendit de loin, mais reste inaccessible.
Prodigue de travaux, de luttes, de trépas,
Ta main me sacrifie à ce fils impossible ;
Je meurs, et Lui ne naîtra pas.
Pourtant je suis ton fils aussi ; réel, vivace,
Je sortis de tes bras des les siècles lointains ;
Je porte dans mon cœur, je porte sur ma face,
Le signe empreint des hauts destins.
Un avenir sans fin s'ouvrait ; dans la carrière
Le Progrès sur ses pas me pressait d'avancer ;
Tu n'aurais même encor qu'à lever la barrière :
Je suis là, prêt à m'élancer.
Je serais ton sillon ou ton foyer intense ;
Tu peux selon ton gré m'ouvrir ou m'allumer.
Une unique étincelle, ô mère ! une semence !
Tout s'enflamme ou tout va germer.
Ne suis-je point encor seul à te trouver belle ?
J'ai compté tes trésors, j'atteste ton pouvoir,
Et mon intelligence, ô Nature éternelle !
T'a tendu ton premier miroir.
En retour je n'obtiens que dédain et qu'offense.
Oui, toujours au péril et dans les vains combats !
Éperdu sur ton sein, sans recours ni défense,
Je m'exaspère et me débats.
Ah ! si du moins ma force eût égalé ma rage,
Je l'aurais déchiré ce sein dur et muet :
Se rendant aux assauts de mon ardeur sauvage,
Il m'aurait livré son secret.
C'en est fait, je succombe, et quand tu dis : « J'aspire ! »
Je te réponds : « Je souffre ! » infirme, ensanglanté ;
Et par tout ce qui naît , par tout ce qui respire,
Ce cri terrible est répété.
Oui, je souffre ! et c'est toi, mère, qui m'extermines,
Tantôt frappant mes flancs, tantôt blessant mon cœur ;
Mon être tout entier, par toutes ses racines,
Plonge sans fond dans la douleur.
J'offre sous le soleil un lugubre spectacle.
Ne naissant, ne vivant que pour agoniser.
L'abîme s'ouvre ici, là se dresse l'obstacle :
Ou m'engloutir, ou me briser !
Mais, jusque sous le coup du désastre suprême,
Moi, l'homme, je t'accuse à la face des cieux.
Créatrice, en plein front reçois donc l'anathème
De cet atome audacieux.
Sois maudite, ô marâtre ! en tes œuvres immenses,
Oui, maudite à ta source et dans tes éléments,
Pour tous tes abandons, tes oublis, tes démences,
Aussi pour tes avortements !
Que la Force en ton sein s'épuise perte à perte !
Que la Matière, à bout de nerf et de ressort,
Reste sans mouvement, et se refuse, inerte,
A te suivre dans ton essor !
Qu'envahissant les cieux, I'Immobilité morne
Sous un voile funèbre éteigne tout flambeau,
Puisque d'un univers magnifique et sans borne
Tu n'as su faire qu'un tombeau !
L’Homme à la Nature
Poèmes de Louise Ackermann
Citations de Louise Ackermann
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Plus sur ce poème | Commenter le poème | Imprimer le poèmeEn ces temps merveilleux où la théologie
Fleurit avec le plus de sève et d'énergie,
On raconte qu'un jour un docteur des plus grands,
Après avoir forcé les cœurs indifférents ;
Les avoir remués dans leurs profondeurs noires ;
- Après avoir franchi vers les célestes gloires
Des chemins singuliers à lui-même inconnus,
Où les purs esprits seuls peut-être étaient venus, -
- Comme un homme monté trop haut, pris de panique,
S'écria, transporté d'un orgueil satanique :
Jésus, petit Jésus ! Je t'ai poussé bien haut !
Mais, si j'avais voulu t'attaquer au défaut
De l'armure, ta honte égalerait ta gloire,
Et tu ne serais plus qu'un fœtus dérisoire !
Immédiatement sa raison s'en alla.
L'éclat de ce soleil d'un crêpe se voila ;
Tout le chaos roula dans cette intelligence,
Temple autrefois vivant, plein d'ordre et d'opulence,
Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui.
Le silence et la nuit s'installèrent en lui,
Comme dans un caveau dont la clef est perdue.
Dès lors il fut semblable aux bêtes de la rue,
Et, quand il s'en allait sans rien voir, à travers
Les champs, sans distinguer les étés des hivers,
Sale inutile et laid comme une chose usée,
Il faisait des enfants la joie et la risée.
Châtiment de l'orgueil
Poèmes de Charles Baudelaire
Citations de Charles Baudelaire
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